Des gangs contrôlent presque la moitié du territoire haïtien

Des gangs contrôlent presque la moitié du territoire haïtien

En partant de Port-au-Prince pour se rendre à n’importe quel chef-lieu de département du pays, le citoyen haïtien, traverse inévitablement des territoires contrôlés par des gangs armés.

Étant de la capitale haïtienne, Port-au-Prince, le citoyen qui souhaite se rendre dans une autre ville du pays, doit obligatoirement traverser une ou plusieurs parties du territoire contrôlées par des gangs armés qui rackettent, enlèvent, violent et tuent  à leur gré.

Marie Yolène Gille est responsable de la fondation  « Je Klere ». Selon elle, le pays est infesté de près de 150 gangs armés. “Certains sont actifs et d’autres  dormants” soutient la militante des Droits humains.

En 2020, le responsable du volet désarmement à la Commission nationale de désarmement, démantèlement et Réinsertion, Jean Rebel Dorcenat avait indiqué que le pays comptait environ 90 gangs actifs. Ce, avec la possibilité que de nouveaux groupes viennent augmenter la liste.

Depuis lors, de nouveaux gangs armés se sont fait connaître dans le pays, comme celui de Vitelhomme  à Torcel, « Kokorat san ras »  à la Croix Périsse, entrée sud de la ville des Gonaives et celui de «  ti makak » à Fessa dans les hauteurs de Pétion-Ville.

Selon le directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains Pierre Espérance, les gangs ont toujours existé en Haïti mais n’étaient jamais aussi forts et aussi ouverts qu’ils le sont aujourd’hui.

Une omniprésence

Les gangs sont un peu partout dans le pays selon la directrice exécutive de la Fondation « Je Klere », Marie Yolene Gille.

Selon la militante des Droits humains se basant sur des chiffres recensés depuis 2020, une commune comme Cité soleil  abrite trois grands foyers de gangs, répartis à Belekou, Brooklin et Boston, selon Marie Yolene Gille de la Fondation  « Je Klere ».

A Delmas, on dénombre 9 foyers de gangs contre 23 pour Port-au-Prince, 17 à la Croix des bouquets et pas moins de 30 poches à Pétion-ville.

A Port-au-Prince, les gangs les plus actifs se trouvent à Carrefour-feuille, Grand-ravine, Martissant, Fontamara, Village de Dieu, Bolosse, Bel-Air et La Saline.

Delmas 2, Delmas 6 et Simon-pelé, sont aussi des zones rouges contrôlées par des gangs armés.

A Ganthier et à la Croix des Bouquets, les gangs « 400 mawozo » et  » Chen mechan » font la pluie et le beau temps.

Entre la commune de Petite-Rivière de l’Artibonite et Marchand Dessalines, des zones comme : Savien, Jean-Denis, Poste-Pierrot, Barrage sont contrôlées par des gangs.

Au Cap-Haitien : Shadda et « Nan bannann », sont des foyers de gangs.

A Miragoane, la zone de Challon, à L’azile, la zone de Lièvre et « Nan savann » dans la ville des Cayes sont sous contrôle de gangs armés.

Mêmes situations dans la Grand ’Anse, ou des zones comme « Lassise » dans la commune de Marfranc et « Desormeaux » à Chambellan sont contrôlées par des gangs armés.

Selon Jean Rebel Dorcenat, les départements de l’Ouest, de l’Artibonite et du Nord sont les plus dangereux en termes d’activités des gangs armés. Les départements du Centre, des Nippes et du Nord-Est sont réputés pour être parmi les plus calmes en 2020.

Grâce à des puissants

Outre des rackets sur les populations avoisinantes, les détournements de camions de marchandises, les vols à mains armés et les kidnappings, les gangs sont souvent alimentés par des hommes puissants de la politique et de l’économie, souligne Marie Yolène Gilles.

Ainsi, les activités criminelles des gangs deviennent très rentables en Haïti, rappelle la responsable de la fondation « Je Klere ».

Pierre Espérance a lui aussi, identifié l’existence de mains puissantes derrière les actions des gangs armés. Il rappelle que les gangs ont pris du terrain, à partir de 2017, avec l’affaiblissement de la police nationale d’Haïti.

Selon lui, aujourd’hui, les gangs sont bien plus armés que la PNH.

Pour Jean Rebel Dorcenat, des armes mis par l’Etat à la disposition d’anciens députés et sénateurs sont souvent utilisées pour la création de nouveaux gangs dans le pays, puisqu’elles sont rarement retournées aux administrations des deux branches du Parlement.

Au mois d’avril 2020, le Premier ministre Joseph Jouthe avait admis avoir parlé à maintes reprises à un chef de gang qui, pourtant, avec sa bande, terrorisait les riverains à Martissant et au Bicentenaire.

En 2019, c’était l’homme d’affaires Reginald Boulos qui s’était fait la risée publique en admettant lors d’une émission de radio avoir financé les activités de plusieurs chefs de gangs dans la commune de Cité Soleil. Boulos présentait ces bandits comme des « leaders communautaires » faisant du « social » dans la commune.

En avril 2019, après l’arrestation du chef de gang de Village de Dieu, Arnel Joseph, les travaux de la Direction Centrale de la police judiciaire, ont permis de retracer des appels bien fréquents entre le chef de gang et Gracia Delva alors sénateur de la République.

Lors, la commission justice du Sénat avait révélé que les données téléphoniques, ont montré « 24 appels téléphoniques entre le numéro 3170 22 81 du sénateur Garcia Delva et du 3854 95 24 du chef de gangs incarcéré depuis lors, Arnel Joseph, du 7 au 22 février 2019 ».

Le sénateur avait admis ce fait lors de ses interventions dans les médias.