Promesses dans les discours et insécurité dans la réalité.
L’insécurité bat son plein en Haïti, notamment dans la région métropolitaine de Port-au-Prince ces dernières années.
Selon les derniers chiffres communiqués par le Centre d’analyse et de recherche en Droits humains, le pays aurait connu plus de 200 cas de kidnapping entre janvier et mars 2022. Le CARDH à travers sa cellule d’observation et de criminalité souligne que ce chiffre représente une augmentation de 58.45% des cas de kidnapping par rapport au premier trimestre de l’année 2021 qui ne comptait que 121 cas.
Hormis les politiciens et des membres du gouvernement, « toutes les couches de la société haïtienne sont touchées par le phénomène du kidnapping », a constaté le CARDH, à travers sa cellule d’observation et de criminalité.
Des promesses
Face à l’augmentation des actes d’insécurité et le mutisme des autorités qui peinent à résoudre le problème, à l’appel de plusieurs organisations de la société civile, dont le « collectif 4 décembre », plusieurs milliers de citoyens ont manifestanté à Port-au-Prince et dans d’autres villes du pays le mardi 29 mars 2022 pour exprimer leur ras-le-bol, à l’occasion de la célébration du 35e anniversaire de la Constitution de 1987.
Mise à part quelques messages ayant rapport à la politique, l’idée de dire « Non aux actes d’insécurité et du kidnapping » faisait la toile de fond des revendications des manifestants, se réjouit l’un des initiateurs du mouvement, Jean Robert Argant.
Apres cette journée de manifestation populaire, le Premier ministre du pays Ariel Henry, dans un message préenregistré, a réagi dans l’après-midi du 29 mars 2022. Comme il l’a fait depuis son accession au pouvoir, le chef du gouvernement répond par des promesses.
Derrière son lutrin, le chef du gouvernement s’est résolu à faire des promesses: « Aujourd’hui, plusieurs de nos concitoyens ont levé leurs voix pour protester contre l’insécurité et le kidnapping… je ne veux pas faire des annonces ni indiquer des dates. Mais je vous prie de croire que nous faisons tout ce qui est possible pour doter la police nationale d’Haïti, d’équipements appropriés, de moyens adéquats et pour lui fournir la formation indispensable, en vue de continuer dans la capitale et dans le reste du pays, les mêmes opérations que nos policiers ont engagé dans la zone de la Croix-des-Bouquets ».
A quand des actions ?
Les promesses du Premier ministre Ariel Henry pour mettre un terme à l’insécurité qui gangrène la société haïtienne, sont loin d’être convaincantes, selon Jean Robert Argant.
Ce responsable du collectif 4 décembre, initiateur de la manifestation du 29 mars, dit s’attendre plutôt à des actions concrètes de la part du chef de la primature pour mater les bandits.
Jean Robert Argant estime qu’aborder le problème de l’insécurité à coup de promesses, n’apportera aucun résultat pour la société, déjà trop habituée à des dirigeants qui, face aux problèmes cruciaux, répondent toujours par : « nous avons entendu et nous allons agir ».
Il plaide en faveur d’actions au lieu de discours de la part des autorités.
Le scepticisme de Jean Robert Argant prend racine dans les anciennes promesses du premier ministre Ariel Henry.
En effet, au début du mois de février dernier, le chef du gouvernement avait promis de pacifier le quartier de Martissant, contrôlé par des gangs armés qui isolent et étouffent l’économie du grand sud.
Presque 2 mois plus tard, rien n’est fait et mêmes des officiels du gouvernement d’Ariel Henry, voulant se rendre dans le grand sud, se voient obliger de contourner Martissant en passant sur les hauteurs du morne l’hôpital.
Au-dessus des lois
Depuis 2009, Haïti dispose d’une loi punissant le kidnapping, rappelle l’avocat Camille Occius. Cette loi allait être renforcée en octobre 2017.
Ainsi, la loi d’octobre 2017 modifie les prescrits des articles 289 jusqu’à 293 du code pénal haïtien.
Ces modifications permettent de condamner entre 30 à 50 ans de prison et aux travaux forcés tous ceux, ayant participé dans des actes de kidnapping dans le pays, comme c’est prévu à l’article 290 du code pénal.
En cas de maltraitance de la victime, d’un décès dû à son kidnapping, s’il y a des actes de viol pendant les faits, si l’acte de kidnapping est perpétré entre 6h Pm et 6h Am ou s’il y avait une relation de confiance entre le bourreau et sa victime, l’article 291 du code pénal prévoit une condamnation à perpétuité et aux travaux forcés.
Pourtant, à part Clifford Brandt et ses complices : Edner Comé, Ricot Pierre-val et Carlo Bendel Saint-Fort, condamnés en décembre 2019 pour le kidnapping de Nicolas et Coralie Moscosso, personne n’a été jugée pour implication dans des cas de kidnapping en Haïti.
Selon, l’avocat Camille Occius qui dirige l’Organisation Citoyenne pour une Nouvelle Haïti, les autorités judiciaires du pays, prétextant une faiblesse de l’appareil judiciaire, font preuve de passivité par rapport au phénomène du kidnapping.
Ainsi, en refusant d’appliquer les prescrits de la loi de 2017 contre les kidnappeurs afin de tracer un bon exemple pour le reste de la société, les autorités judiciaires haïtiennes se font complices des kidnappeurs, souligne Camille Occius.
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