Subvention ciblée: le calmant miracle du docteur Ariel Henry contre les grèves des syndicalistes du transport en commun

Subvention ciblée: le calmant miracle du docteur Ariel Henry contre les grèves des syndicalistes du transport en commun

L’élan de « patriotisme » qui avait refait surface chez les syndicalistes du transport en commun en Haïti, s’est soudainement refroidi le samedi 27 juillet 2023, lorsque, dans un document signé par les responsables de 7 organisations syndicales, le secteur du transport en commun annonce avoir pris la décision de surseoir sur le mot d’ordre de grève lancé pour le 31 juillet, 1er aout et 2 août 2023.

Selon ce document signé par Méhu Changeux, Montès Joseph, Jacques Anderson Desroches, Dumé Sonson, Sanozier Rémy, Marcelin Jean Philippe et Willio Datus Joachim, cette décision a été prise après maintes interventions de secteurs de la société ayant sollicité ce report pour favoriser le tenue des examens officiels du baccalauréat dont la date coïncide à celle choisie pour la grève.

Cependant, loin de vouloir jeter l’éponge, ces organisations syndicales annonçaient qu’elles reprendront sous peu les discutions afin de parvenir à de nouvelles dates pour relancer la grève qui vise notamment, à contraindre les autorités de l’Etat à baisser de 40% les prix du carburant sur le marché local, tenant compte de son prix sur le marché international.

En effet, lors de la dernière augmentation des prix des produits pétroliers sur le marché haïtien en décembre 2022, le baril de pétrole se vendait à 125 américains sur le marché international et avait chuté pour passer à 94 dollars en juillet 2023.

Devant cette réalité saisissante, ces syndicalistes n’entendaient aucunement lâcher prise dans la lutte visant à contraindre le pouvoir d’Ariel Henry, à appliquer le décret du 9 mars 1995 relatif à la fixation des prix des produits pétroliers.

Aujourd’hui, en octobre 2023, en dépit du fait que le baril se vende à 93 dollars sur le marché international, personne n’ose brandir la misère du peuple pour contraindre le pouvoir d’Ariel Henry à opérer une baisse des prix sur le marché local.

Dans le silence de la subvention ciblée

L’ardeur des syndicalistes à défendre les citoyens a pris une douche froide, le 9 aout 2023, lorsque le Ministre du Commerce et de l’Industrie, Ricardin Saint Jean avait annoncé que le gouvernement travaille déjà à concrétiser la « subvention ciblée » a l’intention des acteurs du transport en commun, avec qui, un Protocole d’accord a été signé en décembre 2021.

Selon Ricardin Saint Jean qui intervenait sur les ondes de Radio Magik9, un chèque de 400 million de gourdes a été transmis par le MCI à la compagnie pétrolière Bandari pour la subvention du carburant à l’intention des chauffeurs du transport en commun.

Depuis, le moteur d’une grève visant à contraindre le gouvernement à respecter le décret du 9 mars 1995, arrête de tourner chez les syndicalistes.
Par exemple, en octobre 2023, au moment de la rédaction de cet article, le baril de pétrole se vend à 93 dollars américains sur le marché international et aucun syndicaliste n’ose contester la non-application du décret du 9 mars 1995, l’outil qui les ont motivé en juillet dernier.

Ça roule

Le mardi 5 septembre 2023, le Premier ministre haïtien, Ariel Henry avait entrepris de distribuer les premières cartes pétrolières à des chauffeurs lors d’une cérémonie et des petites et moyennes entreprises ont, aussi, reçu des chèques de subvention du gouvernement.

Dans un article publié sur le site du Ministère de la Communication, le gouvernement a dévoilé : « cette initiative permettra aux différents membres du secteur du transport de s’approvisionner en carburant en toute quiétude. En effet, les usagers du transport en commun qui sont membres ou pas de syndicats du secteur sont tous qualifiés pour prendre part à ce projet ».

Selon l’article du Ministère de la Communication qui cite le Ministre du Commerce et de l’Industrie, Ricardin Saint Jean, ce programme de subvention ciblée est à sa phase pilote.

Selon le président de l’Association des Propriétaires et Chauffeurs d’Haïti, Méhu Changeux, après la cérémonie du mardi 5 septembre, le gouvernement avait livré des cartes pétrolières à 3 000 chauffeurs de transport en commun, dans le cadre d’un projet pilote de la subvention ciblée.

A terme, cette subvention doit toucher les 100 000 chauffeurs, selon les propositions des organisations syndicales.
Méhu Changeux se montre impatient devant la lenteur du processus, et surtout déçu devant le fait que la carte pétrolière octroyée aux chauffeurs dans cette phase pilote n’est renflouée que de 15 000 gourdes par mois.
« Que dire alors d’un chauffeur assurant le trajet Port-au-Prince/ Jérémie qui doit utiliser 81 galons d’essence pour un voyage? », se plaint le président de l’APCH.

Encore du chemin a parcourir

Le responsable de l’organisation Force Syndicale pour Sauver Haïti, Jacques Anderson Desroches confie que les chauffeurs munis de la carte pétrolière peuvent acheter de l’essence dans n’importe quelle pompe de la compagnie Bandari qui a déjà reçu 400 million de gourdes de l’Etat haïtien dans le cadre de ce programme.
Tenant compte du quota d’essence consommée quotidiennement par le secteur, Jacques Anderson Desroches parle d’une subvention qui devrait avoisiner 800 million de gourdes mensuellement.

Devant l’évidence d’une vaste corruption dans cette subvention qui mobilise tant d’argent, le syndicaliste se veut prudent et exige que le programme soit budgétisé et que les véhicules bénéficiant de la subvention soient en règle avec l’Etat haïtien et clairement identifiés pour mieux aider les passagers.

Une fois, ces points ayant rapport à la technique soient au clair, Méhu Changeux, souligne que les acteurs s’entendront sur les nouveaux prix des circuits pour les véhicules subventionnés pour éviter tout dérapage.

Selon, Jacques Anderson Desroches, cette subvention ciblée peut, non seulement aider à soulager les bourses des passagers mais aussi, moderniser le secteur du transport, trop important pour être totalement contrôlé par des acteurs du privé.

Dans ce dédale d’intérêts, à la fois pour l’Etat, pour les transporteurs et pour les bourses des passagers, la lutte que les syndicalistes du transport en commun avaient lancé pour exiger une baisse de 40% des prix à la pompe au profit des plus faibles, est en panne sèche.

Et s’il faut un argument pour justifier la volte-face des syndicalistes, Méhu Changeux rappelle qu’on ne peut pas tout mettre sur le dos de ces derniers puisqu’il y a d’autres secteurs dans la société pour mener la bataille.

Samuel Celiné